De la souveraineté africaine….

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Fin d’année 2018, le docteur Denis Mukwege fraîchement auréolé du prix Nobel de la paix pour sa noble action auprès des femmes congolaises qui sont victimes de viols dans de la cadre des conflits armées souillent la République Démocratique du Congo. Lors de son discours , il a rappelé à son auditoire la situation tragique de son pays et mis en avant le silence complice des nations face à la tragédie et le drame de la RD Congo. Dans ce discours, nous notons et comprenons le véritable scandale de la situation africaine et du paradoxe dans lequel l’Afrique se trouve : avoir une terre pleine de richesses mais vivre dans la difficulté. Je pense que nous avons, tous, des ordinateurs portables ou des smartphones et ces petits appareils ont des batteries constituées de lithium et cobalt ; mais peu de personnes savent que La RD Congo représentait, selon le British Geological Survey, les 2/3 de la production globale de ce minerai en d’autres termes sans ce pays toute l’avancée technologique actuelle serait au point mort.

De plus, comme nous pouvons le lire et l’entendre ici et là, nous amorçons une révolution dans le domaine automobile. Avec l’avènement des véhicules électriques ou autonomes le besoin en batterie provoquera une hausse de la demande en lithium et en cobalt qui atteindra, selon les projections de Transparency Research Market,  61 milliards d’euros en 2024. Vous comprenez donc l’enjeu autour du cobalt et pourquoi ce minerai est très convoité par les puissances économiques telles que les Etats ( ex: Etats-Unis d’Amériques, ou Chine) ou les firmes transnationales (Apple, Huawei, Microsoft etc.). En toute logique (et malheureusement avec un soupçon de naïveté), on serait en droit de penser que le principal pays fournisseur d’un minerai aussi important devrait jouir d’une prospérité et d’une influence qui n’auront pas leurs pareil au monde. Or, la RD Congo a subi depuis sa création des troubles à la hauteur de l’immense richesse de sa terre ; comme si des acteurs du jeu mondial avaient intérêt à ce qu’un pays avec autant de dons n’accède pas à la stabilité, la paix et par conséquent au développement.

La course aux ressources et aux terres fertiles ne consistent pas uniquement à la spoliation des ressources africaines mais également au développement d’une pratique beaucoup trop sous-médiatisée qui est le « land-grabbing » soit l’accaparement des terres dans la langue de Césaire. Selon les prévisions du FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture) les besoins en nourriture, aliments pour le bétail et en fibres textiles vont augmenter à hauteur de 60% d’ici 2050 et les terres cultivables vont diminuer de 1,5% par an jusqu’en 2050. Pour pallier à ce problème certains pays ont eu la « brillante et riche » idée d’accaparer les terres étrangères et vous l’aurez, bien entendu, deviné ces yeux gourmands se sont tournés vers les opulentes terres du continent noir.  En 2015, la Chine a acquis 60 000 ha de terres sénégalaises afin de cultiver du sésame pour l’exporter vers …. Pékin ( comme quoi nous n’avons pas tous la même notion du « gagnant-gagnant »). Les enjeux du « land-grabbing » sont cruciaux car cette pratique met de fait en péril vie de la population africaine sur son propre sol.

Ces schémas se répètent sur l’ensemble du continent de Dakar à Yaoundé ainsi que de Niamey à Harare, le schéma néocolonial gangrène et sévit sur la « Terre-Mère » africaine à l’instar d’une tumeur gangrènant notre corps. Dans les années 60 de nombreux dirigeants africains avaient compris la supercherie notamment le deuxième président du Congo (Brazzaville) Alphonse Massamba-Debat expliquait dès 1963 que son pays restait une colonie dans le sens où tout l’appareil économique et industriel appartenait à des étrangers et que la nation était encore sous la domination occidentale et, malheureusement, si l’on fait le « 56 years challenge » on ne remarquera que très peu de changement. La situation n’est pas non plus aidée par la corruption et la compromission de certains dirigeants africains prêts à vendre leurs peuples et leurs terres pour un pouvoir fantoche et un plat de lentilles, qui pour eux le bien commun ainsi que l’intérêt de la Nation tiennent plus de la fable que de la conviction. Or, ici nous ne sommes pas dans « l’afro-pessimisme » et nous allons aborder les pistes pour mener l’Afrique vers la véritable souveraineté ; je ne parle pas ici d’indépendance car dans un monde « globalisé » chaque parcelle de territoire est interdépendant des autres la notion est, selon moi, galvaudée mais la souveraineté pleine et entière est à mon sens l’objectif que nous devons viser. Au delà de l’utopie africaine dont nous rêvons, nous devons nous réapproprier la destinée de ce continent qui est vu par tous comme une terre d’avenir et ainsi éviter que cet avenir ne se fasse sans les Africains.

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Dans un premier temps la voie de la souveraineté passe en grande partie par une structure politique et étatique garantissant l’intégrité et la pérennité des Etats du continent noir.  En effet, je m’étais déjà exprimé sur ce sujet au sein de l’article « Quand l’Afrique s’éveillera... » ; la structure politique que nous avons importée des modèles occidentaux n’ont que pour très peu d’Etats fait leurs preuves en Afrique. Il est, de fait, chose aisée de constater qu’une période d’élection est synonyme de tensions et d’incertitudes entre les opposants qui crient à l’injustice, le pouvoir en place qui verrouille son système et entre ces deux belligérants, le peuple se tient en attendant les inévitables stigmates de l’affrontement des soupirants du Pouvoir. Les peuples ivoiriens, congolais, libériens ou encore bissau-guinéens ont en, encore, le souvenir vivace, comme tant d’autres peuples africains. Dans un but de protection de la population ainsi que celle de la raison d’Etat les pays africains doivent réellement penser un contrat social solide qui évitera à des puissances étrangères d’utiliser quelconques failles afin de diviser et briser un pays et ainsi se repaître des richesses sans nul autre forme de procès. L’histoire des chutes d’empire doivent nous servir d’exemple pour éviter de répéter ce type d’erreurs ; le royaume Kongo a initié son déclin au moment où le Portugal a réussi a inoculé la division et la guerre civile afin d’asservir plus facilement la population et se servir de toutes les ressources qu’offrait ce noble royaume.

Ensuite, la redéfinition d’un Contrat social pour un Etat fiable et pérenne est nécessaire, il est aussi indispensable d’avoir des dirigeants qui ont une vision sur le long terme et qui font passer l’intérêt privé après la raison d’Etat et le « bien commun ». Vous me direz que c’est une évidence et que je ne fais qu’enfoncer des portes ouvertes ; malheureusement force est de constater que nombres de dirigeants africains ou aspirants au pouvoir ont « vendu » leurs pays, leurs amis, leurs convictions au profit de leurs ambitions : Joseph Mobutu avait trahi Patrice Lumumba pour son ascension vertigineuse vers le sommet en RD Congo ou Blaise Compaoré au sacrifié sur l’autel du pouvoir son « ami » Thomas Sankara alors dirigeant du Burkina Faso. Oui les personnes assoiffées de pouvoir et ne pratiquant uniquement le clientélisme ne peuvent garantir un Etat souverain car la cupidité mettra indubitablement la souveraineté en péril. Bien entendu l’idéalisme n’est pas un programme politique et ne peut qu’avoir des conséquences rudes pour le peuple alors que les intentions sont les plus louables et les plus nobles à l’image de Sekou Toure qui en 1959 s’est opposé frontalement à de Gaulle pour obtenir l’indépendance « tout de suite » de la Guinée ce qui a coûté au développement du jeune pays d’Afrique de l’ouest à cause des incessants coup de boutoir de la Françafrique. La pragmatisme panafricain est à penser et à mettre en place sur l’ensemble du continent pour toujours avoir en ligne de mire la réussite africaine ou à minima le développement de son pays.

Si nous nous sommes penchés sur les acteurs de la vie politique et sociale africaine nous devons aussi parler de la population celle qui subit et/ou s’accommode aux prédations externes et internes. « Ne demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous. Demandez ce que vous pouvez faire pour votre pays. » cette citation du Président Kennedy est une invitation à la citoyenneté active et peut être un leitmotiv pour la population africaine et de sa diaspora. Face à des sphères dirigeantes coupées de la réalité et ne se souciant du peuple pour qu’il lui serve de bouclier et de passeur de plats, la population doit s’organiser pour améliorer ses conditions de vie. Ce n’est pas l’Etat qui fera des commerces, mettra en place des coopératives agricoles ou des associations caritatives. La population peut par le biais de l’entrepreneuriat et action associative faire corps en tant que peuple, s’organiser et ainsi obliger la sphère dirigeante à s’occuper de son peuple au lieu de s’agenouiller devant les l’intérêt pays ou de lobby qui vont à l’encontre du peuple et celui de l’Etat mais pour servir son pays il n’est pas nécessaire d’être ministre ou encore président, il faut et il suffit de mettre son énergie pour le bien commun et l’intérêt du pays .

Etienne de la Boetie dans son essai Discours de la servitude volontaire, nous montre selon ses termes que le peuple abandonne sa liberté afin de servir le « tyran » qu’il soit bon ou mauvais. Or c’est une situation que l’on retrouve en Afrique ou les « Princes » actuels usent de la force, du clientélisme ou de la ruse pour se maintenir et consolider le pouvoir et c’est pour aller à l’encontre de ce courant que le peuple doit le réapproprier le « bien commun » ou la raison d’Etat, pour être une voix qui compte et qu’il s’impose à leurs dirigeants. Si un dirigeant sent que la satisfaction de lobbys étrangers peut aller à l’encontre de celui du peuple et lui coûter sa place il sera plus enclin à défendre sa nation. Enfin, la diaspora a aussi un rôle un jouer dans cette prise de conscience populaire ; non pas en se posant en donneur de leçon, une posture que l’on a consciemment ou non tendance à prendre du fait que l’on vit dans des pays plus développés, mais que soutien, aide, porteurs de projets. Ma grand-mère me dit souvent qu’en je me rends au pays pour la voir :  » Sers toi de ce que tu as appris en Europe pour soutenir, élever et aider tes frères qui sont ici ». Oui, si vous êtes enfants de la diaspora et que l’attrait pour l’Afrique est en vous n’hésitez pas à vous engager car c’est aussi avec une diaspora active que les pays et les populations pourront s’affranchir des vautours néo-coloniaux.

Au delà, de la structure interne de l’Etat, de la population et des dirigeants africains, la souveraineté véritable de l’Afrique passe par une nouvelle stratégie géostratégique et géopolitique. Avec la création de l’Organisation de l’Unité africaine en 1963 à Adis Abeba  (Éthiopie) le continent africain a vite souhaiter s’organiser ; une attention juste et judicieuse dans le conteste de guerre froide et pour éviter le contrôle du continent par l’une des super-puissances qu’étaient l’URSS et les Etats-Unis. Bon, il faut l’avouer l’intégration africaine est clairement imparfaite et ne permet pas la consolidation des échanges commerciaux au sein des pays africains. Pourquoi la consolidation du marché a une importance dans la souveraineté africain ? La consolidation d’un marché commun africain permettra, à mon sens, de ne plus dépendre des partenaires économiques comme la Chine, les Etats-Unis ou l’UE. L’actuelle Union Africaine souhaite mettre en place cette zone de libres échanges commerciaux à l’échelle continentale ce projet semble aller vers la bonne voie en espérant que ce dernier ne soit pas dévoyer.

Dans cette optique d’intégration économique, nous ne pouvons pas éluder la question monétaire ; en effet, 14 pays africains ont cédé leurs souverainetés monétaires à la France par le biais du franc CFA. Avec la subsistance de ce reliquat coloniale, les pays africains s’appauvrissent et ont des liens beaucoup trop intimes avec le ministère des finances de Paris pour avoir une politique économique et diplomatique complètement souveraine. Bien sûr, une sortie du FCFA ne se fera d’un reversement de table car cela aura un contrecoup très violent pour les pays qui feront le pas à l’image d’une personne soumise à des addictions qui auraient fait un sevrage soudain et brutal. La sortie du CFA doit être pensée et graduée et l’imagination sera une qualité clé. L’avènement de digital/ numérique et la faible bancarisation du continent (65% d’africains n’ont pas de comptes bancaires) . Or, l’Afrique a plus d’1 milliards d’habitants dont 650 millions d’africains possédant un abonnement. Cette situation pourrait être propice à la crypto-monnaie pour permettre d’avoir une certaine indépendance monétaire si cette technologie est suffisamment maîtrisé.

Enfin dernier point nous allons aborder l’intégration politique ; Julius Malema président de la Ligue de jeunesse de l’ANC ( parti de Nelson Mandela) dans la lignée de Kwame Nkrumah ou de Marcus Garvey a appelé à la création d’un Etat continental africain en d’autre termes les Etats-Unis d’Afrique. Honnêtement, je ne crois pas à cette option ; certes nous sommes africains et unis mais il n’en demeure pas moins que chaque parcelle du continent chaque peuple a ses propres spécificités et qu’un « Etat-continent » conduirait, à mon sens, à des dérives.

Je crois plus en des intégrations régionales comme les projets avortés de la Fédération du Mali ou celui des Etats-Unis d’Afrique latine; mais encore une fois ce n’est pas en imitant les modèles américains ou européens que l’Afrique trouvera la solution de sa structure politique. Mais pour faire face aux mastodontes mondiaux que sont les Etats-Unis, l’Union Européenne, la Chine et l’Inde, les Etats africains doivent parler d’une seule voix pour pouvoir peser sur les négociations et apporter sa sagesse dans les décisions qui impacteront le monde.

En fin de compte, nous sommes conscients des défis auxquels doit faire face le continent africain et sa population. Il faut aussi prendre conscience que le changement  réel et profond ne se fera pas rapidement et nous devrons nous armer de courage et de patience. Malheureusement nous ne pourrons pas régler les questions de néo-colonialisme et d’exploitation sauvage de l’Afrique sur un ring ou autre octogone. Mais nous, l’Afrique et sa diaspora, entamerons une course de fond où le prix  sera une vie meilleure pour les génération future.

WaKongo

Yoni

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