Vous rappelez vous de ce soir du 15 juillet 2018, finale de la coupe du monde de football, les Mbappe, Pogba, Matuidi et autres Umtiti exultent de joie après la victoire de l’équipe de France devant la Croatie à Moscou ? Le monde entier a pu constater le visage métissé de cette vieille nation d’Europe, une découverte qui a heurtée l’ensemble des hérauts de la vague « identitaire » de la planète. Si je ne compte pas aborder le sujet « identitaire » dans cet article, nous allons discuter de l’impact des « Visages » de la communauté afro et leur engagement pour la communauté.
Le nom de Colin Kaepernick vous dit-il quelque chose? En 2016, alors qu’il était quarterback de l’équipe de football américain de San Francisco, Colin Kaepernick pose un genou à terre pendant l’hymne américain en signe de protestation face aux violences policières dont sont victimes les minorités aux Etats-Unis. Un acte qui lui a coûté sa carrière professionnelle à cause de vives critiques des média et de la classe politique américaine qui reprochent à ce geste une connotation anti-américaine mais lui a offert une image de défenseur des droits civiques et a permis au monde de prendre conscience de manière encore plus forte de l’état où se trouve la communauté afro-américaine surtout dans une période où les violences contre elle deviennent ,malheureusement , de plus en plus de simples faits divers.
Par les actions de Kaepernick mais aussi celles de LeBron James qui a rendu publiquement hommage à Trayvon Martin ou d’autres sportifs américains qui par des gestes symboliques ont pris à bras le corps contre les bavures dont ont été victimes Michaël Brown et Eric Gardner. Les sportifs américains ont renoué avec la tradition politique des artistes et sportifs afro-américains qui ont pris position face à la politique ségrégationniste des Etats-Unis nous avons en tête le poing levé vers le ciel de Tommie Smith et John Carlos lors de la remise des médailles en 1968 à Mexico, pour protester, en prenant l’Humanité à témoin, contre le régime américain ; un acte qui a, malheureusement, broyé la carrière et la vie de ces deux athlètes. Ces personnalités sont devenues par la force de leurs actes bien plus que des champions en endossant la cape du Héros.
Au delà du combat politique les personnalités noires américaines se sont aussi engagées dans la promotion de la communauté et un travail sur l’éducation afin de briser le cycle de la réincarnation sociale. Ainsi, LeBron James a fondé en 2018 une école gratuite dans le quartier de son enfance à Akron pour venir en aide aux enfants issus de milieux défavorisés; une initiative qui s’inscrit dans la volonté des « élites » noires d’émanciper la communauté via l’éducation comme Booker T. Washington et Lewis Adams l’ont fait en fondant l’Institut Tuskegee en 1881 destiné à rendre les Noirs plus compétitifs sur le marché de l’emploi. Ces exemples, nous montrent que la communauté afro-américaine a une tradition de militantisme et aussi de solidarité très anciennes et ancrées qui sont véhiculés par de grandes figures politiques du Docteur King à Madame Obama et de sportifs de premier rang de Muhammad Ali à LeBron James. Ces prises de positions, ces actes de solidarité ou ces actions politiques ont créé des Héros qui par leurs voix ont, justement, ouvert la voie et inspiré plusieurs générations vers un idéal pour la communauté afro-américaine.
Si nous avons l’exemple d’outre-atlantique ; qu’en est-il des personnalités noires de France ? Sont-elles aussi impliquées dans la solidarité ou encore dans la politique pour contribuer au bien commun ? Dans le domaine politique nous avons de grandes figures féminines comme Christiane Taubira ou Rokhaya Diallo qui, grâce à leurs interventions ont apporté leurs forces et leurs énergies dans leurs combats. Du côté de la gente masculine nous avons Claudy Siar qui a su (ce qui est un fait notable) mobiliser toute la communauté contre les terribles réseaux d’esclavages dans la Libye post-Kadhafi et le très controversé Kemi Seba qui ne laisse personne indifférent à cause de ces prises de positions claires et souvent tranchées. Malgré la qualité des personnes que j’ai citée ( également celle des autres militants) je note que ces personnalités ne sont pas toutes connues de l’ensemble de la population. En effet, si je ne prend en exemple que les noms que j’ai cités, je constate que ces personnalités n’ont pas une grande notoriété dans la communauté dans sa grande majorité. Comment pouvons nous expliquer cela ? A mon sens l’une des explications c’est qu’avec la culture actuelle du buzz, le manque d’accès aux média ne permet pas à de grandes personnalités militantes d’accéder directement à la communauté, ce qui conduit à avoir un auditoire assez restreint.
Il est intéressant de noter comment les média filtrent les personnes ainsi que leurs messages ….
Si les activistes et militants « Noirs » ne sont pas les figures de proue de la communauté afro-descendante, qui sont ses portes voix ? Qui sont ces hérauts ? Je pense que cela ne surprendra personne que les artistes et les sportifs sont devenus les premiers visages des enfants issues de l’immigration africaine. Il est évident, aujourd’hui, qu’Aya Nakamura a bien plus d’influence sur la communauté que des députés de la Nation comme Danièle Obono ou Laetitia Avia et je ne vous fait pas l’affront d’évoquer des champions du monde de football 2018. Ces étoiles de la scène artistiques et sportives deviennent les héros de toute une jeunesse qui se reconnait en eux. En effet, un Kylian Mbappe, une Aya Nakamura ou un Omar Sy offrent un modèle de réussite, les gens peuvent se reconnaître en eux car comme nous, ces personnes viennent de milieux populaires, comme nous ils ont connu des galères et nous font rêver grâce à leurs réussites internationales. Ce sont du coup des modèles inspirants pour nous tous.
Mais, comme dirait l’Oncle Ben : « Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités » et on attend de ces nouveaux héros qu’il nous guident telle l’étoile du berger vers la réussite et la gloire. Contrairement à leurs homologues américains, les personnalités françaises sont moins présentes politiquement ou du moins lorsqu’ils ont en activité. Nous pouvons expliquer cela par différents facteurs que nous allons décliner ensemble.
D’une part, contrairement aux Etats-Unis d’Amériques, la France accepte très mal le communautarisme et le voit d’un très mauvais œil. C’est très difficile pour un artiste de prendre parti dans quelques sujets sans être taxé de communautaristes et ainsi abîmer son image et a fortiori sa carrière. Il est beaucoup plus simple de devenir beaucoup plus militant après sa carrière, je peux prendre l’exemple de Lilian Thuram qui a beaucoup plus mis en avant son militantisme Noir après son immense carrière et surtout son aura de champion du monde qui lui octroie bien plus de liberté. D’autre part, le militantisme des personnalités américaines, que nous avons citées en début d’article, est construit sur une histoire difficile faite de ségrégations, de lynchages et de violences policières. Toutes proportions gardées, la France n’a pas ce passif et la question militante moins intense que de l’autre côté de l’Atlantique. En ayant compris cela, il est nécessaire de dire que ces personnalités se mobilisent dans les œuvres caritatives qui sont beaucoup neutres et fédératrices.
Mais est-ce le rôle d’artistes et de sportifs de devenir des portes paroles des modèles d’une communauté? Je pense que l’on donne une charge trop importante en transposant sur eux nos espoirs et nos rêves alors que ce sont également des acteurs de la communauté qui la mettent en avant grâce à leurs talents et l’excellence dans leurs domaines. Nous devons aussi avoir d’autres portes voix, d’autres héros dans des domaines beaucoup plus stratégiques tels que l’économie ou la politique. A nous de développer nos talents pour avoir nos capitaines d’industrie et de grandes personnalités dans la littérature, la politique ou l’économie pour encourager la communauté dans son ensemble à viser plus haut et s’élever.
A nous de prendre les devants pour devenir de « Fines Fleurs Noires »
WaKongo
Yoni